« Conjuguer nos efforts dans la lutte contre l’obscurantisme #salafiste« . Pourquoi la Fondation de l’Islam de France et la Ligue islamique mondiale organisent-elles ensemble la ConfĂ©rence internationale de Paris @paix_solidarite ? pic.twitter.com/2451MAByvkâ Fondation de l’Islam de France #FIF (@FondIslamFR) 13 septembre 2019
La ConfĂ©rence internationale de Paris pour la paix et la solidaritĂ© recevra le dirigeant de la Ligue islamique mondiale, Mohammed Al-Issa. Pour Michel Taube, coorganiser un tel Ă©vĂ©nement avec lâancien ministre de la Justice saoudien revient Ă cautionner le wahhabisme salafiste saoudien.
Je me souviens du temps oĂč un certain gouverneur du Texas, lequel avait signĂ© 153 ordres dâexĂ©cution dans son Ătat, sâĂ©tait portĂ© candidat Ă la prĂ©sidence des Ătats-Unis. La levĂ©e de boucliers internationale avait Ă©tĂ© fulgurante, suscitant 500 000 signatures dâune pĂ©tition en France, dĂ©bouchant sur la crĂ©ation dâune association, «Ensemble contre la peine de mort aux Ătats-Unis», devenue trĂšs vite «Ensemble contre la peine de mort» et la naissance dâun mouvement international contre la peine capitale. CâĂ©tait il y a vingt ans et lâon appelait le futur prĂ©sident des Ătats-Unis, George W. Bush, le «boucher amĂ©ricain»âŠ
Aujourdâhui, câest un autre «boucher», saoudien, qui vient nous donner des leçons de morale interreligieuse demain dans la Ville lumiĂšre lors de la ConfĂ©rence internationale de Paris pour la paix et la solidaritĂ©. Il sâagit de Mohammed Al-Issa qui dirige la Ligue islamique mondiale et coorganise cette ConfĂ©rence. Il a Ă son actif plus de 500 exĂ©cutions capitales lorsquâil Ă©tait ministre de la justice de lâArabie saoudite de 2009 Ă 2015, et dâinnombrables ordres de torture dont la condamnation du cĂ©lĂšbre Raif Badawi Ă 1 000 coups de fouet.

Ceci dâautant plus que â il faut le savoir â le Code pĂ©nal sur lequel sâest basĂ© Daech pour semer la terreur en Syrie et en Irak, câest le Code pĂ©nal de lâArabie saoudite que Mohammed Al-Issa a scrupuleusement appliquĂ© pendant des annĂ©es!
Entendons-nous bien: il est indispensable de discuter avec celles et ceux qui ne partagent pas notre point de vue. PrĂŽner le dialogue interreligieux avec des pays qui ne le respectent pas, parler dâĂ©galitĂ© hommes-femmes, de libertĂ© de culte et de conscience avec des reprĂ©sentants de pays qui, tous les jours, pensent et prĂ©conisent le contraire, pourquoi pas? Câest le pluralisme des idĂ©es, et un pari sur la raison dĂ©libĂ©rative pour faire bouger les lignes. Mais, ici et maintenant, il sâagit dâautres choses!
Que la Ligue islamique mondiale et son secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral coorganisent lâĂ©vĂ©nement, quâils soient la puissance invitante chez nous, Ă Paris, capitale du pays des droits de lâhomme, cela dĂ©passe le cadre du dĂ©bat et revĂȘt une dimension politique que lâon ne peut accepter.
On peut faire semblant, faire montre de naĂŻvetĂ© entre religieux, jouer les hypocrites entre frĂšres et sĆurs en communion, mais ne soyons pas naĂŻfs dans la conduite des affaires publiques. Coorganiser Ă Paris une pareille confĂ©rence internationale, Ă laquelle de surcroĂźt avaient Ă©tĂ© abusivement annoncĂ©s le prĂ©sident de la RĂ©publique et le Premier ministre, câest faire de la politique dans sa forme la plus machiavĂ©lique: manipuler, tricher, mentir Ă lâopinion, aux institutions, et plus particuliĂšrement aux musulmans de France. Câest inacceptable et dangereux.
Car la vĂ©ritĂ© est que la Ligue islamique mondiale est le bras armĂ© de la diplomatie religieuse de lâArabie saoudite chargĂ©e de diffuser le wahhabisme salafiste dans le monde. Cette doctrine de lâIslam a nourri, plus que toutes les autres, lâislamisation politique de nombre de nos concitoyens en France et dans le monde.
Il est bien trop tĂŽt pour prendre au sĂ©rieux la Ligue islamique mondiale: depuis que Mohammed Al-Issa la dirige, elle multiplie les beaux discours sur le changement qui serait amorcĂ© sur la voix de la tolĂ©rance et de la lutte contre le terrorisme. Mais rien nâa Ă©tĂ© fait en Arabie saoudite pour changer la moindre lĂ©gislation religieuse, pĂ©nale, civile ou constitutionnelle. Bien au contraire, Ă part quelques feux de Bengale (comme le droit, fort thĂ©orique en fait, concĂ©dĂ© aux femmes de conduire leur vĂ©hicule, et lâouverture dâun â oui un seul â cinĂ©ma Ă Riyad), lâArabie saoudite a durci sa politique archaĂŻque Ă lâendroit de ses concitoyens. Une frĂ©nĂ©sie dâexĂ©cutions a repris en Arabie saoudite depuis 2015 et plus intensĂ©ment en 2019 , des militantes fĂ©ministes y ont Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©es et torturĂ©es , une sale guerre, menĂ©e par lâArabie saoudite et les Ămirats arabes unis, se poursuit et sâintensifie au YĂ©men. Les Imams saoudiens continuent Ă prĂȘcher lâantisĂ©mitisme, lâhomophobie et la haine des mĂ©crĂ©ants. Des crucifixions sont encore pratiquĂ©es en Arabie saoudite, les Ăglises et les temples y sont interdits de citĂ©, au nom dâun islam wahhabite le plus rigoriste.
Il eut Ă©tĂ© prĂ©fĂ©rable que la Ligue islamique mondiale et surtout lâArabie saoudite eussent donnĂ© des preuves concrĂštes de leur conversion Ă un Islam modĂ©rĂ© avant que HaĂŻm Korsia, Grand Rabbin de France, François Clavairoly, prĂ©sident de la FĂ©dĂ©ration protestante de France, Monseigneur Jean-Marc Aveline, archevĂȘque de Marseille et prĂ©sident du Conseil pour les relations interreligieuses de la ConfĂ©rence des Ă©vĂȘques de France, Tareq Oubrou, Grand imam de la mosquĂ©e de Bordeaux, nâacceptent de discuter demain avec cet homme peu frĂ©quentable Ă Paris. Que leur a-t-il donc pris dâaccepter de servir ainsi de caution morale Ă cette mystification?
Il est encore temps que ces Ă©minentes personnalitĂ©s prennent conscience que participer Ă cette mauvaise farce dont il serait les piĂštres dindons dĂ©passe leur personnalitĂ© et leurs convictions. Elles engagent leurs institutions et, avec elles, lâimage de la France et de Paris.
Par Michel Taube, fondateur du média Opinion internationale.